De l'émergence du concept de résilience dans la culture avec la question du traumatisme
Résumé:
Diffrérentes appréhensions du traumatisme.
Positionnement de Freud et de Lacan et d'autres... comme Otto , mélanie Klein...
L'emergence du concept de résilience dans la culture.
Hypothèse envisagée: un concept, celle du trauma originaire en lien avec la naissance de la vie psychique;
Définitions : terme emprunté au vocabulaire chirurgical, orthopédique. Traumatisme : blessure ouverte ou fermée par extension on parle du traumatisme psychique ou en raccourci « trauma ». On utilisera le vocable de trauma pour parler du traumatisme psychique et le différencier d’autres traumatismes.
Stress et traumatisme sont d’actualité, les cellules psychologique sont appelées à intervenir pour des debriefing chaque fois qu’une catastrophe est annoncé c’est-à-dire chaque fois que des gens sont victimes ou témoin d’un événement volontaire (torture) ou involontaire (un accident) ayant entraîné des blessures sévères ou la mort de leur proche, chaque fois que la perte a été mis en jeu quand un sujet est en situation de détresse, sans aide.
Le stress concerne le registre biologique et le trauma est du côté du registre psychique, mais une personne peut avoir une réaction immédiate par un stress adaptatif et secondairement développer une névrose dite « traumatique » ce qui amène la question d’un lien entre l’événement dans une certaine réalité et l’étiologie de la névrose, question cruciale de Freud.
Les professionnels interviennent parce qu’ils font l’hypothèse que de permettre aux victimes de parler, la verbalisation de l’expérience vécue de l’événement, parfois avec reviviscence abréactive et libération cathartique va avoir une action sédative et réduire l’état de stress post traumatique. Mais tous les psy ne sont pas d’accord sur l’intérêt de ces cellules psychologique (cf. la position d’Olivier Douville, psychanalyste à Paris et directeur de la revue psychologie clinique p 88 Eres)
L’E S P T (Etat de stress post traumatique) est la dénomination récente d’un ensemble de symptômes observés et étudiés depuis le début du siècle sous différents vocables.
L’E S P T selon le DSM IV est consécutif à l’exposition à un événement traumatique provoquant : peur, détresse, horreur. Le trouble se manifeste par une expérience persistante de l’événement traumatique, des comportements d’évitement des stimuli associés au trauma, un émoussement de la réactivité générale et un état d’hyperactivité neurovégétative.
Mais il est assez souvent fait un amalgame entre le choc, le syndrome post traumatique et le traumatisme psychique qui implique depuis Freud et ceci n’est pas contesté par les auteurs d’obédience psychanalytique, une notion d’après coup. Freud étudie cette action d’après coup du trauma dans une lettre à Fliess du 6 décembre 1896 de la manière suivante :
« Je travaille sur l’hypothèse que notre mécanisme psychique s’est constitué par stratification : les matériaux présents sous forme de traces mnésiques subissent de temps en temps, en fonction de nouvelles conditions, une réorganisation, une réinscription. »
La question de la névrose traumatique est la suivante : Comment et pourquoi un événement de la réalité s’inscrit-t-il ou pas dans la vie psychique ? La névrose traumatique est-ce une variante de la névrose ? Est-elle assimilable à la constitution de la névrose de transfert dans une cure ?
Le trauma originaire :
Pour Lacan
Une rencontre avec le réel insaisissable pour Lacan, une rencontre ratée, la mauvaise rencontre
« La mésencontre » néologisme lacanien…avec le sexuel, de structure pour Lacan en particulier. La mauvaise rencontre c’est une expression de Lacan tiré du séminaire XI et le réel qui est mis en jeu dans le trauma correspond si on veut en donner une définition simple à « ce qui est strictement impensable » in RSI p 8 Le trauma n’est pas événementiel, il est structurel : Ainsi nous pouvons parler d’une position lacanienne fondamentale : Le trauma est le fait de l’entrée de la sexualité par la voie de la parole de l’Autre de se voir doté d’un corps, d’avoir un corps qui s’est fait grâce à ce que Freud appelait « l’einverlibung », l’incorporation d’un signifiant fondamental, non pas d’un corps qui préexiste à cet acte, mais que cet acte fait naître. Ecrits 849.
Dans cette logique, on peut considérer que Lacan relie la construction du corps au trauma.
La position de Freud a varié au cours de son invention de la psychanalyse. Dans les premières élaborations freudiennes, indéniablement Freud fait le lien direct entre le trauma et le symptôme, le traumatisme et l’étiologie des psychonévroses (entre 1890 et 1896-97).théorie abandonnée par la suite où il attribuait au souvenir de scènes réelles de séduction, un rôle déterminant
Le traumatisme est le résultat d’une expérience vécue, source d’une excitation tellement forte que les moyens psychiques pour endiguer l’excitation provoquée par l’événement sont dépassés faute d’une représentation qui puisse la prendre en charge La mauvaise rencontre est celle de la rencontre avec le sexuel (rencontre événementielle) cause de l’hystérie dans les premiers travaux de Freud, quand il travaille avec Breuer et qu’il obtient ses premiers succès thérapeutiques sous hypnose.
*1896 Il précise toutefois dans l’Etude sur l’hystérie que ce n’est pas l’évocation du souvenir qui guérit, mais le fait que le souvenir évoqué libère l’affect et aussi « qu’il faut se garder de croire que le trauma agit à la façon d’un agent provocateur (…) mieux vaut dire que le souvenir du trauma agit comme un corps étranger qui longtemps après continue à jouer son rôle» et aussi que lorsque la réaction émotive ou l’action ont permis sur le moment de décharger l’affect à un degré suffisant , le souvenir de l’événement ne conserve pas sa charge affective. On voit là poindre une autre théorie du trauma qui se dégage des premières élaborations freudienne qui avaient un accent « comportementaliste ».
*1897 Il est classique de considérer cette date comme le moment où Freud abandonne la théorie de la séduction Freud lui-même affirme l’importance de ce moment dans l’histoire de sa pensée : »
Freud dans une lettre à Fliess du 21 septembre 1897 écrit« je ne crois plus à ma neurotica c’est à dire à ma névrosée, aux histoires d’inceste qu’elle évoquait (…) il n’existe dans l’inconscient aucun indice de réalité de telle sorte qu’il est impossible de distinguer, l’une de l’autre, la vérité de la fiction investie d’affect »
« s’il est vrai que les hystériques ramènent leur symptômes à des traumatismes fictifs, le fait nouveau est qu’elles fantasment de telles scènes ; il est donc nécessaire de tenir compte à coté de la réalité pratique, d’une réalité psychique. » in « la vie sexuelle » p 275. (Cependant Freud n’a cessé jusqu’à la fin de sa vie de remarquer la fréquence et la valeur pathogène de scènes de séduction effectivement vécues dans la prime enfance.)
Cette remarque mis à part, on constate également ce changement dans son travail publié en *1926 : Inhibition, symptôme, angoisse où il dit ceci : Nommons traumatisme : une telle situation vécue de détresse (hilflosighkeir). La détresse pour Freud est le fait d’éprouver le risque d’être exposé à la non- satisfaction des besoins primaires c’est à dire à la mort sans recours possible de l’Autre. Ce qui découple l’élément traumatique de l’incident d’ordre externe.
Pour Otto Rank comme pour Mélanie Klein, c’est la naissance qui est traumatique.
On voit bien que les analystes s’ils partagent cette idée du trauma originaire ne sont pas d’accord sur l’identification de ce trauma ? Pour Ferenzi, par exemple : « la question se pose de savoir s’il ne faut pas chercher chaque fois le trauma originaire dans la relation originaire à la mère » in Journal clinique de 1932. Il fait le lien du trauma et de l’absence de réponse adéquate de l’objet en face d’une situation de détresse de l’infans. L’objet est soit trop présent soit trop absent et la dépendance ainsi créée à l’objet trop présent, trop absent laisse des traces Il y a aussi problème quand il y a disqualification de l’éprouvé par l’objet.
Michel Lévy à propos de la névrose obsessionnelle parle de traumatisme enfoui et une de ses clefs (de la névrose) tiendrait « à l’intensité de la violence psychique subie. Si la force de cette violence et ses conséquences ne sont pas reconnues dans la psychothérapie, on risque de passer à côté des effets massifs de déstructuration de la pensée qui lui sont liés. Il faut décrypter la composante traumatique marquant l’entrée dans la névrose obsessionnelle de sorte que les contre-mesures pour reconstruire soient adaptées à la réalité du problème. Les processus en sont inconscients puisqu’ils réfèrent à des éléments dont le sujet a absolument besoin pour exister : s’il a fait le sacrifice d’une partie de sa pensée c’est pour continuer à se construire là et là seulement où il le pouvait. L’identité consciente du sujet s’est construite sur la base même de la logique violente qui l’a bousculé.
Je reviens à Freud. Par rapport à ces premières conceptions Freud introduit deux notions nouvelles: celle de l’action traumatique dans l’après coup du trauma et celle du fantasme. C’est dans l’après coup que le trauma s’implique dans le symptôme. Les influences accidentelles qui pourraient provoquer une névrose sont minorées.
J’ai parcouru le livre de Louis Crocq sur « les traumatismes psychiques de guerre ». Des les premières pages, j’ai relevé l’observation de ce phénomène d’après coup dans les réactions des personnes qui ont essuyé des traumatismes dus à la guerre. « Le temps de latence est un phénomène constant dans toute névrose de guerre, comme dans toute névrose traumatique » p 92 Les Américains après la guerre du Vietnam ont parlé de « post-Vietnam syndrome » alors qu’ils pensaient avoir réussi à réduire la pathologie psychiatrique de guerre grâce à un dispositif de l’avant,(le dispositif de l’avant c’est le dispositif mis en place pendant la guerre afin que les soldats puissent continuer le combat) lequel n’avait réussi à réduire que les troubles aigus du stress.
Freud dans le chapitre VII de l’interprétation des rêves dit qu’il existe une forme particulière de la réalité à ne pas confondre avec la réalité factuelle. En conséquence un écart est creusé entre le choc, l’évènement proprement dit et le traumatisme qui est constitué après l’événement. Nous en avions parlé la dernière fois : à trop s’intéresser à la réalité factuelle on peut cantonner quelqu’un dans l’irrémédiable, ce qui ne veut pas dire qu’il faille négliger la réalité factuelle. Pour porter remède à l’irrémédiable il est nécessaire de se plonger dans l’enfance la plus reculée. Conrad Stein fait l’éloge du principe de répétition dans un travail analytique, pour porter remède à l’irrémédiable : cent fois sur le métier remettre son ouvrage !
Mais s’agit-il là d’un travail de remémoration ou de subjectivation ? Ne s’agit-t-il pas d’un travail psychique permettant d’abréagir l’affect, de décharger la représentation de son affect, d’épurer la représentation de sa charge affective ? La répétition des cauchemars dits « traumatiques» ne vise- t-elle pas aussi cet objectif ? Il est clair qu’ils contreviennent au principe de plaisir, mais pour moi il est peu probable qu’ils obéissent au travail d’une pulsion de mort isolée.
Il est paradoxal de faire l’apologie du principe de répétition. (Comme le fait Conrad Stein) quand on sait que justement la répétition des traumatismes a bouleversé les conceptions de Freud concernant notamment le principe de plaisir. Quand Freud a envisagé un "au delà" à ce principe c’est parce qu’il constatait que des histoires malheureuses puissent se répéter alors que justement pour éviter le déplaisir ces histoires n’auraient pas dû se répéter. On peut dire que l’enfant observé par Freud qui lance et relance la bobine et attend qu’elle reparaisse en prononçant les deux mots : For et Da, est devenu exemplaire d’un traumatisme infantile lié à l’absence de la mère de cet enfant, compulsivement remis en scène dans le célèbre jeu de la bobine.
Comment expliquer ces mauvaises rencontres, ces traumatismes en chaîne que certains rencontrent ou les traumatismes trans-générationnels ? Ces faits sont constatés depuis toujours. Est- ce le mauvais œil, la malédiction, le destin, la « tuché », le hasard… Existe-t-il une « mémoire » véhiculant une information d’une génération à
l’autre ? Comment opèrent les transmissions trans-générationnelles ? Je fais référence là à l’impact des secrets de famille, aux syndromes d’anniversaire décrits par Anne Ancelin Schûtzenberger.
Comment expliquer ces répétitions ?
Jeanne Favret Saada, une ethnologue qui a vécu et enquêté dans des sociétés paysannes et réalisé une étude sur la sorcellerie dans le Bocage de l’ouest nous transmet son expérience à travers son livre : les mots, la mort et les sorts. Elle explique que « l’attaque de sorcellerie, c’est une mise en forme du malheur qui se répète ». Autrement dit, c’est une tentative d’explication pour rendre compte de l’enchaînement d’événements tragiques, inexplicables, surprenants, incompréhensibles.
Freud va trouver un concept, pour expliquer le phénomène de la répétition qui contrevient au principe de plaisir, qui n’obéit pas à cette loi qu’il a posée régissant la vie pulsionnelle, sensée gouverner nos choix de vie : c’est la pulsion de mort et une de ces conséquences retrouvée dans la névrose de destin.
Peut-on aussi envisager la répétition autrement ?
Comme tentative d’explication de ce fait, Lacan parlera du rôle de la jouissance : le fait de donner du sens à ce qui arrive, de symboliser, la signifiance même se trouvent pris dans cette problématique de la jouissance et de sa tempérance.
Les traumatismes qui provoqueraient des répétitions, du point de vue psychanalytique freudien notamment a des points de contact avec le refoulement. Le sujet se construit en produisant des défenses dont le refoulement, considéré par Freud comme névrose traumatique élémentaire. C’est un point qui sera étudié ultérieurement.
Ce n’est pas un résumé des différentes théories psychanalytique, il y aurait beaucoup de travail à faire sur ce chapitre du traumatisme qui est assez central. Ce concept est largement utilisé à notre époque et il faut bien le reconnaître utilisé dans une dimension assez simple, simpliste même. En même temps le nombre de personnes dites traumatisées est en extension : abus sexuels , violence, agression, explosion(AZF) alors que nous avons la chance sous nos contrées de ne pas connaître l’épreuve de la guerre.
Le traumatisme et le traumatisé ne font qu’un. Il n’y a plus d’écart et on en est arrivé aujourd’hui à considérer que tout traumatisme entraîne une difficulté psychologique plus ou moins sévère à plus ou moins long terme. On établit même une échelle de réactions post traumatique en fonction du choc : pour une inondation, un viol, la torture, l’emprisonnement… Voir le livre de Servan Shreiber : « Guérir », pour qui, il y a « eu » la psychanalyse et maintenant il y « a » d’autres techniques comme par exemple le EMDR technique qui vient des Etats-Unis :on déplace un baguette comme un balancier devant les yeux d’un patient qui doit la suivre en se concentrant sur un aspect d’un d’événement traumatisant (pour reproduire le mouvement des yeux pendant le sommeil paradoxal) , le patient doit en étant éveillé repenser à un souvenir traumatisant ce qui provoque l'apparition d'une image mentale en rapport avec l'événement traumatisant.
La résilience
Pour contrebalancer cette conception sociale et moderne du trauma et sans doute parce qu’il fallait bien se rendre à l’évidence que certains échappaient à cet inéluctable sort de sombrer dans la névrose traumatique suite à un traumatisme, un nouveau concept à vu le jour : celui de résilience. Le porte parole le plus repéré en France qui fait usage de ce concept, c’est Cyrulnick : il est éthologue, psychiatre, neurologue. Dans son dernier ouvrage : « le murmure du fantôme » édité chez Odile Jacob, il cite des exemples connus de personnages célèbres comme Marylin Monroe , Georges Perec… prototypes de résilients, en quelque sorte.
Le concept de résilience pour Michel Lévy est « un excellent exemple de ce qui peut amener l’idée d’un développement hétérologique de la psyché. En effet il est probable que cette résilience est simplement la possibilité pour un sujet de se référer à des bases variées et différentes, pour autant qu’il a pu les rencontrer dans sa vie, le plus tôt étant le mieux. Il est ainsi probable que les grands développements de la névrose obsessionnelle soient en réalité des formes d’enfermement dans des relations logiques de forme très closes, offrant très peu de ressources au sujet pour varier ses bases logiques. »
Dans l’émission de présentation du livre de Cyrulnick : Tout arrive de France Culture (1-1-2004) Alexandre Jolien (c’est un philosophe qui souffre d’une dysarthrie suite à une atteinte des noyaux gris centraux, "condamné dans une institution de soin à un avenir de rouleur de cigares"). Il a écrit : Eloge de la faiblesse et le métier d’homme : c’est sa rencontre avec Socrate qui répond à sa question : "que faire de sa vie et de sa mort ?" qui a été déterminante. A Jolien a dit des choses que nous savons mais qui ne vont pas sans les dire, du genre que la motivation doit s’agripper à un horizon nouveau En traduisant motivation par désir , c’est plus intelligible pour nous. L’horizon pour lui a été la philosophie, il a dit aussi que la culture a sauvé sa peau et que le statut des marginaux est à revisiter. Il était appelé à témoigner comme résiliant au cours de cette émission. Et c’était vivifiant de l’entendre.
Revenons à Cyrulnick.
Les premiers travaux en appui de ce concept viennent des pays Anglo-saxons et Nord -américains, à partir des années 1980. Le concept de résilience intègre les théories psychanalytiques, comportementales, l’approche clinique, psychopathologique et socio-éducative contemporaine.
Ce concept de résilience est un concept emprunté à la physique des matériaux .La résilience de l’acier (sa qualité) varie brusquement de part et d’autre, à une certaine température, dite température de transition. Par analogie, chacun de nous possèderait une potentialité différente à résister aux pressions qui varierait brusquement en intensité à l’occasion d’une circonstance donnée. (La température pour les métaux).Un individu peut -être tantôt résilient , tantôt vulnérable et la vulnérabilité d’un sujet peut se transformer en résilience à l’occasion d’un événement signifiant ou s’il a l’appui d’une rencontre fondatrice.
Nul besoin donc de faire appel à l’inconscient pour expliquer ce phénomène.
Ce qui n’est pas exclu, c’est l’idée de la rencontre, mais de quelle rencontre s’agit-il ?
Mais, l’on ne peut critiquer ce concept de résilience à partir de la constatation que les partisans de cette théorie ont emprunté le concept au langage de la physique et à la résistance des matériaux car la plupart des concepts psychanalytiques sont empruntés à d’autres champs et deviennent des métaphores qui impulsent les spéculations et la pratique analytique par transfert langagier.
Ce dont il n’est pas tenu compte dans ce concept de résilience, c’est le prix payé par le sujet pour survivre à un traumatisme ; en lisant le livre de Sylvie Germain : Nuit d’ambre, j’ai pensé à l’histoire de cet enfant de 5ans qui voit mère et père sombrer dans la douleur et l’absence quand ils apprennent la mort de leur fils aîné, le laissant lui, orphelin. Le roman est l’histoire de cet enfant, de son voyage au bout du mal tant il est habité par la colère et la haine. « Et lui, le second fils, resta planté sur le seuil avec ses cinq ans devenus soudain plus lourd qu’un cent d’années. Tout seul, abandonné. Trahi. Car il venait en un instant d’être trahi par tous. Le frère mort, la mère folle, le père en larmes. Nul n’avait donc de souci pour lui ? Il se cabra et leur cria à tous, au plus profond de son cœur d’enfant exclu : je vous hais ! » p35
La situation de cet enfant a à voir avec « la mère morte » dont parle André Green.
Je n’en dis pas plus, simplement, je voulais démontrer que ce concept central de la psychanalyse qui a aussi évolué au cours du temps, celui même de Freud qui s’est dégagé peu à peu des premières évidences, du lien direct qu’il lui arrivait d’établir entre le traumatisme et le symptôme dans ses exemples cliniques sous hypnose, le plus souvent, est en train de retourner au point de départ de l’élaboration Freudienne.
Je trouve, en effet que l’on a tendance à considérer aujourd’hui qu’un traumatisme fabrique un traumatisé et à amalgamer la réalité événementielle à la réalité psychique
Autre évolution très sensible concernant ce concept, c’est celui du vocabulaire. Je ne suis pas linguiste mais j’ai relevé l’usage de signifiants étranges, des néologismes parfois pour parler de la victime du traumatisme. Par exemple victimité, (l’inclinaison d’une personne à être victime) la victimologie, victimophillique, victimaire… et un nouveau symptôme : le syndrome de victimité pour des personnes se plaignant de mener une existence pénible .
Au- delà de cette métaphore discuté et discutable de résilience qui vaut que certains soutiennent Cyrulnick et d’autres au contraire en particulier les psychanalystes se mettent à le critiquer vertement :Serge Tisseron article du monde de 2003 ou dans Synapse n 25 d’octobre 2003, l’article de P.L Assoun, que pouvons nous dire ?.
Je me demande si le concept de résilience n’est pas le fait d’une résistance légitime à l’amalgame fait entre un événement supposé traumatisant et un sujet traumatisé, une confusion entre le champ de la réalité psychique et celui de la réalité.
Ceci dit, quel est l’impact, dans le psychisme, d’un événement comme la torture, la guerre, le viol, les victimes d’une agression, un attentat, une explosion … quand des sujets sont des témoins impuissants de certaines horreurs?
A quoi le sujet est-il confronté qui déborderait ses capacités d’élaboration (point de vue « économique » de Freud.) au point qu’il en soit traumatisé réactionnellement ? quel processus psychique est mis en jeu ? Peut-il s’agir de la réactivation d’une trace mnésique d’un traumatisme déjà advenu et refoulé ?
Freud laissera la voie ouverte sur ces questions qui confrontent un sujet à des situations intolérables ?
Une hypothèse envisagée
Je pose comme hypothèse que le sujet est alors confronté à une « mauvaise rencontre avec le réel », (cette expression : mauvaise rencontre est une expression de Spinoza, adoptée par Lacan et personnalisé : il s’agit d’une mauvaise rencontre avec le réel.
Cette mauvaise rencontre, à mon sens, vient trouer une trame fantasmatique que le sujet a tissé, une explication de ce qui fait jouir ou qui empêche de jouir, une histoire imaginaire propre au fantasme. L’événement traumatique peut alors servir d’écran de projection à partir duquel le sujet va tenter de retisser la trame imaginaire. De ce point de vue, l’événement est interprété à partir de la réalité psychique et non pas à partir de la réalité externe. L’impression de « fin du monde » dont certains parlent après un évènement traumatique (potentiellement traumatique) n’est-elle pas la reprise d’une catastrophe psychique rencontrée : sorte de trauma originaire rencontré au moment de la naissance de la vie psychique?
Le trauma originaire, dans la réalité psychique se trouve dans certaines situations réactivé et vient donner une forme à ce qui n’avait pas de sens et dont l’intensité de l’excitation a débordé les capacité du pare-excitation.( Le pare-excitation c’est ce qui met à l’abri la vésicule vivante des excitation externe, ne laissant passer que des quantités tolérables. Cf. l’Au-delà du Principe de Plaisir)
Quel est ce trauma originaire ? On voit bien que les analystes s’ils partagent cette idée du trauma originaire ne sont pas d’accord sur l’identification de ce trauma ? Pour Ferenczi par exemple : « la question se pose de savoir s’il ne faut pas chercher chaque fois le trauma originaire dans la relation originaire à la mère » in Journal clinique de 1932.J’ai parlé de Freud, Lacan, Mélanie Klein , Otto Rank un peu avant. En ce qui me concerne, partant de ma lecture du séminaire de MarcThiberge. je situerai ce trauma originaire au moment de "la bifurcation de la pulsion désirante:" (...) bifurcation de la pulsion originaire, vers les pulsions partielles du côté du plaisir d’une part, vers la jouissance et le désir, d’autre part.(…) A l’origine, il n’y a qu’une pulsion psychique qui se présente comme affect et qui se dualise ensuite par son but. (…) c’est donc l’affect en tant que pulsion psychique originaire qui étaye le biophysiologique. (…)A un moment de croissance biophysiologique, les perceptions prennent le relais des stimulations endogènes… » Ce qui serait traumatique, c’est ce moment où l’on commence à éprouver ce qui était ressenti qui correspondrait à la mise en route des pulsions sexuelles d’un côté et d’autre part de la pulsion désirante.
Il me semble que ce point de vue (celui de Marc Thiberge) éclaire la question du trauma que Freud en particulier avait situé autour du sexuel alors que Lacan avait parlé d'une rencontre avec la sexualité "de structure", d'une rencontre avec l’émergence de la pulsion sexuelle.
J’envisage d’approfondir l’idée que le traumatisme premier est à situer au niveau de la réalité psychique et non au niveau de la réalité externe et que l’après coup du trauma est consécutif à une lecture projective interprétant les événements de la vie.
Le caractère insensé, impensable, de réel du traumatisme appelle des réponses, sollicite les ressources de la vie psychique : rêves, cauchemars, imaginarisation, fantasme, déni, refoulement secondaire…Il y a refoulement quand cet acte psychique n’est pas admis par le préconscient. Le trauma dans cette optique est de structure, sans doute lié à la mise en jeu de la vie psychique, à la détresse ressentie. Quel lien faire avec le stade du miroir, la phase schizo- paranoïde de Mélanie Klein ?
Dans cette optique le traumatisme serait d’emblée psychique en lien avec la mise en jeu de la vie psychique, trauma refoulé.
Ceci est une hypothèse de travail, à confirmer ou à infirmer .
Mots clés: traumatisme, trauma originaire, refoulement, réel, pulsion, répétition, résilience...
Josette Beneteau
mars 2004
France
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Livre publié en novembre 2020
Dessins de Ksenia Milicevic sur la résilience
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