Le mouvement Art Résilience n'est pas d’ordre formel, il cherche à redéfinir la notion d’art.
Art Resilience
Que devons-nous entendre par résilience ?
Les premières approches de la résilience datent des années 1940 avec des études menées par René
Spiz et Anna Freud portant sur les enfants des orphelinats au moment de la seconde guerre
mondiale. Le terme a été retravaillé par la psychologue américaine Emmie Werner en 1982, date
souvent considérée comme le départ officiel des études menées autour du concept. Le psychiatre,
neurologue et ethnologue Boris Cyrulnik le développera et le portera auprès du grand public français.
Si le terme résilience, emprunté aux sciences physiques, définit la capacité d’un métal à résister aux
pressions et à reprendre sa structure initiale après avoir été déformé, il n’est guère envisageable de
conserver cette définition pour l’étudier sous un angle artistique. Ce processus physique
s’apparenterait à un retour aux formes du passé en effaçant tout type d’avancées. En psychologie par
contre, le terme définit la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité. Il
développe des traits positifs personnels liés à la capacité d’aimer, de s’engager, au courage, aux
compétences interpersonnelles, à la persévérance, au pardon, à la spiritualité, à la sagesse et d’une
manière que l’on peut encore mieux relier aux activités artistiques : à la sensibilité esthétique, à
l’originalité et à l’humour. La résilience implique également au niveau du groupe le développement
de la responsabilité citoyenne, de l’éducation, de l’altruisme, de la civilité, de la tolérance et de
l’éthique professionnelle. L’ensemble de ces caractéristiques constitue le terreau adapté à une
appropriation sensible.
Pourquoi Art Résilience ?
L’art Résilience part du principe qu’une définition de l’art est possible. Elle doit s’élaborer dans un
contexte où la pratique symbolique s’est dissoute dans un état gazeux reniant en grande partie sa
relation à l’esthétique traditionnelle. On peut considérer que la pratique artistique s’est développée
dans l’Histoire occidentale à partir de trois grands principes : la décoration, l’enseignement et la
propagande au sens large d’outil d’endoctrinement à caractère laïc ou religieux. L’opposition à
l’esthétique traditionnelle correspondait à la volonté de se défaire d’idéaux dominants
manipulateurs refusant de prendre en considération la vraie vie. Elle s’est immédiatement
caractérisée par la consécration du Laid. Sa fortune tient de son opposition conceptuelle au Beau
porteur dorénavant d’une connotation négative parce que liée au factice et au rentable.
L’art Résilience propose de réaffirmer que toute production artistique est motivée par une
recherche esthétique. À souligner que le Beau n’est pas la représentation d’une belle chose (beau de
la nature), mais la belle représentation d’une chose, c’est-à-dire l’émanation d’une vision de la
nature, donc l’expression d’une culture. Cette dernière doit être la conjonction représentative d’une
liberté créative collective et non la vitrine d’une sélection arbitraire au seul bénéfice d’un pouvoir
autocentré. L’œuvre d’art, qui est la matérialisation esthétique d’une idée, transcrit et transmet une
émotion par la maîtrise d’un savoir-faire. Elle engendre une communion qui peut faire œuvre de
résilience. Les anciennes catégories esthétiques couvraient des démarches très diverses : le sublime,
le comique, l’érotique, le merveilleux, le charmant, le joli, le divertissant, le tragique, le pittoresque
et plus encore. Mais on découvre également que des divisions opposées avaient droit de cité qui
caractérisent la position anesthétique contemporaine : le kitsch, le laid, le moche, le déficient, le
dégoûtant, etc. La notion d’esthétique, originellement élaborée autour du Beau, nécessite une
redéfinition qui prend en considération les aspects positifs qui stimuleront une participation active et
salutaire à l’évolution de notre monde.
L’expression formelle doit rester libre. Le mouvement Art Résilience est ouvert à toutes les
expériences artistiques en développant une attention particulière aux pratiques traditionnelles que
sont la peinture, le dessin et la sculpture en y ajoutant la photographie. Cette autonomie de création
(thématiques et mises en œuvre), a été acquise grâce aux différents mouvements modernes. Mais
l’académisme d’autrefois a fait place à un nouveau conformisme sur la base de l’hégémonie du
concept. Tout un pan de l’art, appelé contemporain (pour sa disposition à mixer tous les procédés et
toutes les idées à sa portée et non pour la chronologie), entraîne son public hors de tout attrait
sensible. Art Résilience, par son accroche à la notion d’esthétique veut réaffirmer le concept de
qualité articulé au caractère émotif propre à toute création.
L’artiste doit être conscient et responsable de ses actes. La résilience souligne l’importance de savoir
guider ses émotions en maintenant des liens forts avec son environnement. La pratique artistique est
reconnue pour ses capacités à favoriser l’introspection. Les qualités thérapeutiques de l’art sont
reconnues, mais elles ne sauraient se satisfaire de la dimension égocentrique même si l’effet miroir
est souvent apprécié comme source d’enrichissement collectif. L’art est autant formateur de
l’individu que de la collectivité. La réactualisation du Beau, qui ne signifie pas un retour rétrograde à
des principes surannés, signale la nécessité de remettre les pratiques sensibles au centre d’une
réconciliation entre producteur (artistes-plasticiens) et récepteur (public). L’art contemporain est à
questionner dans ses pratiques excessives, généralement légitimées par des justifications cérébrales
équivoques. A la manière d’une prise de conscience écologique dans notre rapport au monde
physique, l’Art Résilience engage à reconsidérer notre rapport à la sensibilité humaine en réintégrant
la part émotionnelle au-delà de la simple séduction promue dans l’ère de la surconsommation de
masse liée au culte du profit.
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Livre publié en novembre 2020
Dessins de Ksenia Milicevic sur la résilience
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